Y a-t-il des drones dans le ciel belge ?
Le développement des drones attire beaucoup l’attention ces dernières années. Faciles d’utilisation, accessibles, ils recouvrent de très nombreuses applications et sont utilisés par un public très diversifié. Du jouet manipulé par un enfant aux drones de surveillance d’infrastructures, ces ‘systèmes aériens sans pilote’ ou UAS (Unmanned Aerial System) vont se faire prochainement de plus en plus présents dans notre quotidien. Ils serviront même pour le transport de personnes. Où en est-on en Belgique ?
Si en Chine, les taxis drones transportant des personnes sont déjà une réalité, en Belgique et plus largement en Europe, la plus grande attention est accordée à la préparation et à la mise en place d’un espace aérien dédié et sécurisé pour assurer ce nouveau type de trafic aérien.
La sécurité est la première priorité, mais les aspects économiques et l’acceptation sociale déterminent aussi la cadence d’introduction de ces nouveaux usagers de l’espace aérien.
En Belgique, en 2023, quelque 100.000 vols ont été effectués, dont 15.000 dans l'espace aérien contrôlé et géré par skeyes. La demande est donc importante et ne fera que croître rapidement dans les années à venir.
Pour y répondre, un nouveau règlement européen cadre la mise en place d’un espace aérien spécifique pour les drones, appelé "U-space". Celui-ci permettra des opérations de drones fréquentes et complexes.
Initié fin 2022, le projet BURDI (BeNe U-space Reference Design Implementation), dont skeyes est le coordinateur, vise à déployer cet espace aérien U-space. Mais pas seulement. Réunissant en consortium 18 partenaires issus de l’industrie aéronautique dont les drones, de la logistique, des transports et des autorités publiques, le projet BURDI développe aussi des processus automatisés qui permettront la fourniture de services adaptés aux drones.
Étant donné le type de trafic propre aux drones et sa densité attendue, l’automatisation va jouer un rôle central dans la fourniture de ces services de navigation spécifiques.
« La sécurité est essentielle » a insisté Johan Decuyper, CEO de skeyes, lors de son interview dans l’émission Terzake sur la VRT le vendredi 12 avril 2024. « Le contrôle effectif se fera de façon automatisée avec des applications de détection des drones qui communiqueront entre eux via le réseau 5G et des applications de prévention des conflits entre les trajectoires pour assurer une distance de sécurité entre les drones en vol. Nous avons créé une filiale – SkeyDrone – qui s’occupe du contrôle des vols de drones dans les zones spécifiques. Elle est la première entreprise à être certifiée pour la gestion du trafic des drones. »
skeyes a quant à elle été désignée CISP (Common Information Service Provider) en 2023. Sa mission est d'assurer l'échange de données entre l'aviation conventionnelle actuelle et ces nouveaux acteurs de l’aviation sans pilote, et de permettre ainsi une intégration en toute sécurité.
« Nous nous attachons donc avant tout à fournir une base stable » ajoute Johan Decuyper, « sur laquelle d'autres développements, tels que les taxidrones, deviendront possibles ».
Des vols complexes déjà en cours en Belgique et en Europe
La Belgique, avec la Suisse, joue un rôle de pionnier en Europe. Aucun pays n'a encore progressé dans la création d'un espace aérien où l'aviation sans pilote peut se développer. Avec BURDI, skeyes participe à l’élaboration de la réglementation européenne pour permettre une aviation sans pilote commercialement intéressante dans l'espace aérien contrôlé et non contrôlé U-space.
Les drones font déjà partie de notre espace aérien aujourd'hui. Les taxidrones frappent peut-être davantage l'imagination des gens, mais il doivent encore être certifiés en Europe. Ce type de véhicule est dénommé eVTOL (electrical vertical take-off and landing). La start-up allemande Volocopter a développé plusieurs modèles, avec ou sans pilote, pour le transport de personnes et les transports médicaux urgents. Plusieurs vols de test habités ont déjà été effectués en Allemagne et en France.
Ce n'est qu'une question de temps avant que ces appareils ne fassent leur apparition chez nous. Notre pays en est pleinement conscient. C’est pourquoi la Belgique a organisé à Anvers, en marge de la présidence européenne, un sommet réunissant les principaux acteurs européens dans ce domaine.
En Belgique, près de Saint-Trond, le campus DronePort est entièrement dédié à la recherche, aux développements et aux tests de drones. Le premier test de transport de sang y a été effectué en juillet 2023 dans un drone de conception chinoise (EHang) prévu pour le transport de passagers.
Un autre centre de développement en Belgique est le port d’Anvers-Bruges. skeyes, SkeyDrone, le port d’Anvers-Bruges et de nombreux autres partenaires comme l’opérateur de drones DroneMatrix et le développeur de logiciels Unifly ont uni leurs forces pour créer une zone de vol qui couvre les 120km² du port où des opérations BVLOS (Beyond Visual Line of Sight) sont autorisées. Les vols de drones sont opérés depuis un centre de contrôle unique et les pilotes n’ont donc pas de lien visuel direct avec les appareils en vol. Les drones permettent de contrôler les infrastructures du port et les chargements. Ce projet au port d’Anvers-Bruges est l’un des plus avancés en Europe.
C’est d’ailleurs au port d’Anvers-Bruges que le premier vol BVLOS européen a été effectué le 21 juin 2022 dans le cadre du projet SAFIR-Med (Safe and Flexible Integration of Advanced U-space Services Focusing on Medical Air Mobility). Ce projet avait pour objectif de mettre au point des solutions pour l’intégration d’une mobilité aérienne urbaine sûre, durable, socialement acceptable au profit de la collectivité en se focalisant sur des applications médicales. Le port d’Anvers-Bruges qui dispose de longue voies aériennes au-dessus de l’Escaut constitue une zone de test idéale.
D’autres applications de vols de drones sont déjà en cours en Belgique notamment l’inspection d’infrastructures critiques par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité à haute tension Elia ou encore par Infrabel pour le réseau ferroviaire.
Quand verrons-nous des drones voler au-dessus de nos têtes ?
En Europe, nous suivons une feuille de route différente de la Chine. Nous attachons une plus grande importance à l'intégration sûre de cette technologie dans l'espace aérien. Mais le U-space et toutes les applications qui garantiront les vols de drones en toute sécurité sont en voie de finalisation.
Dans un premier temps, des applications commerciales verront le jour, telles que les drones de transport de marchandises ainsi que des applications socialement profitables comme les appareils à usage médical. Les drones transportant des passagers, qui nécessitent un niveau de sécurité encore plus élevé, suivront ultérieurement. En Europe, les drones taxis font également l'objet de procédures de certification.
Du côté de la réglementation, le 3e paquet législatif approuvé par l'Europe en avril 2024 ouvrira la voie aux taxis aériens. Au départ, les pilotes de ces eVTOL communiqueront encore avec le contrôle aérien. Les premiers vols de drones sans pilote transportant des passagers sont eux attendus dans les prochaines années en Belgique et en Europe.
skeyes joue aussi un rôle clé grâce à son expertise et influence la réglementation qui est traduite en procédures opérationnelles et en méthodes de travail.
skeyes fait figure de pionnière dans le domaine de l’intégration du trafic des drones et soutient depuis quelques années déjà les nouvelles applications émergentes. Elle le fait à travers de nombreux projets, tant au niveau européen que national.
Pour le développement de nouvelles applications et de nouveaux services fournis par les drones, le niveau d’acceptation sociale sera déterminant. Si les transports médicaux urgents devraient faire l’unanimité, les livraisons de colis ou de pizza en revanche n’obtiendraient sans doute pas l’aval d’une majorité de la population.
Nous pouvons en tous cas voir l’avenir sereinement car il y a en Belgique à la fois une très grande attention portée à la sécurité et à la fois un secteur des drones très actif, ce qui ouvre de nombreuses opportunités économiques et sociales.